Chambre ouverte à la mer – Leonardo Cremonini
Parmi les émotions de l’été dont je vous entretenais au mois de juillet (http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/07/31/belle-ete-a-tous/), en voici une qui me fut offerte, inattendue dans ses richesses, et que je voudrais partager avec vous : il y a en ce moment à la mythique Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence une exposition hors du commun, baptisée « les aventures de la vérité », dont le commissaire est Bernard-Henri Lévy.
Je ne reviendrai pas sur la démarche philosophique qui l’a guidé, d’abord parce qu’il l’expose très savamment dans un livre (1) et ensuite parce que là n’est pas mon propos. Je suis trop ignorante pour débattre d’histoire de l’art et de philosophie, mais en revanche apte, je crois, à être émue par une œuvre.
Et dans ces extraordinaires « aventures de la vérité », le plus sublime comme le plus sordide de l’homme nous sont proposés.
J’ai tendance, naturellement, à garder le sublime, et me voilà servie par quelques œuvres avec lesquelles j’aurais bien aimé être enfermée : une photographie inouïe de pureté visuelle et de richesse symbolique de Wofgang Gäfgen, un nu somptueux de Fortuny, une crucifixion surnaturelle du Bronzino, évidemment ces incroyables Philippe de Champaigne qu’on ne voit jamais et qui demanderaient une journée de contemplation, et puis ce joueur de guitare de Juan Gris et cette chambre ouverte à la mer de Leonardo Cremonini. Mais aussi tant d’autres que je renonce à énumérer.
Donc première émotion, purement esthétique, car contrairement à certains artistes pour qui « la volonté de penser le monde a fini de désamorcer le souci et le désir du Beau » (Bernard-Henri Lévy parlant de Victor Burgin), je me découvre sans doute trop peu philosophe et trop attachée au beau (même sans majuscule) pour apprécier véritablement, par exemple, ce qui restera sans doute comme une des œuvres maîtresses de l’exposition, l’ « Alkahest » d’Anselm Kiefer, et encore moins, autre exemple, l’Anachrome de Piero Manzoni, pièce qui (je cite Bernard-Henri Lévy de mémoire) vaut plus par son programme que par son exécution.
Donc grâce à cette exposition, j’en sais plus sur qui je suis, sur mon positionnement par rapport à l’art, et mes goûts prennent un sens qu’ils n’avaient pas jusque là. Merci cher philosophe !
Mais la trace la plus importante faite en moi par cette visite l’est par les points d’interrogation qui émaillent le discours de Commissaire d’exposition (pas loin de 70 dans le petit fascicule qui détaille le parcours de l’exposition, je crois qu’on pourrait faire une étude de la pensée de BHL en fonction de la géographie de ses points d’interrogation), les suppositions audacieuses, les nombreuses hypothèses (parfois cinq ou six par tableau), les projections personnelles qu’il fait sur les œuvres. Il suppose que l’artiste a voulu dire quelque chose mais n’en n’est pas sûr et peu importe. Il offre sa vision sans affirmer, se trompe certainement parfois sur les intentions originelles, voit des Véronique et des Sartre partout, transforme Roberte en Dibutade, mais surtout, par-dessus tout, ouvre le champ des possibles.
Car la liberté qu’il prend est une liberté qu’il nous offre, grâce à lui nous voilà tous libres de choisir le sens que nous donnons à une œuvre.
Ces aventures de la vérité sont donc, là encore, des aventures de la liberté.
Alors si vous n’avez pas la chance d’aller voir l’exposition, procurez-vous la brochure ou mieux, le livre (1), et vous participerez déjà grandement à ces aventures !
(1) Les aventures de la vérité , Peinture et philosophie, un récit
Bernard-Henri Lévy (Auteur) – Essai (broché). Paru en 06/2013