Pour découvrir le concept du saboteur, je vous suggère de lire d’abord mon article introductif :
http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/05/29/quand-la-peur-devient-notre-alliee/
Je vous rappelle que cette galerie de portraits de saboteur est une contribution courageuse des lecteurs. (Voir http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/07/05/le-saboteur-de-lete-lancement/)
Encore un merveilleux saboteur, la compétition sera rude!
» Chaque matin, lorsque je me retrouve face au miroir de la salle de bains, il est là, face à moi, mon saboteur. Je vois, je surveille les mouvements de mes deux mains, posées sur le rebord du lavabo ou manipulant rasoir, brosse à dents et autres compagnons des premières heures du jour. Ces deux mains, je ne les quitte pas du regard, je semble les maitriser, contrôlant chaque déplacement, imposant la saisie d’un objet ou d’un autre. Pourtant, c’est bien moi qui tient si fortement, au dépend de mes deux mains surveillées, ce stylet fiché dans mon dos (Dans ton dos ! arête ton cinéma, dans ta tête oui !!) et qui pénètre une plaie ouverte, une blessure qui ne cicatrise jamais et que j’avive si cruellement à mes corps et esprit défendant.
Qui d’autre que moi glissait déjà à mon esprit que la nuit n’avait pas apaisé, pourquoi te lever, à quoi bon ; que feras-tu de cette journée, que peux-tu en faire, d’ailleurs, que sais-tu faire, pas grand-chose, tu ferais mieux de rester au fond de ton lit. Sabotage ! Mais, me voilà debout, devant ma glace et mes dents brossées, mon haleine devrait être fraîche (tu vois, je peux l’emporter).
Cette petite musique vénéneuse que je me chante à moi-même sur l’air de tu n’es pas à ta place, et qui se décline en tu ne sais pas, tu ne peux pas, tu n’as rien à dire ad libitum…..
Mon saboteur m’en écrit la partition et je la reprends sans parvenir à changer des mots que je ne connais que trop bien pour en être l’auteur saboteur (si au moins, c’était bien écrit me glisse perfidement ce salopard !).
Connaissez-vous ce tremblement du doigt à l’instant qui précède l’envoi d’ un mail, Je m’écoute me saboter ; il me le dit, je me le souffle; je ne peux qu’avoir oublié quelque chose, un élément essentiel, je vais me tromper, je je…… puis le mail part néanmoins (tiens, prends-ça !), je m’accroche une seconde, troublé d’avoir percé la cuirasse résistante du saboteur sans que ce coup porté ne me blesse; je ne vois alors plus aucune raison de plonger, de me cacher sous mon bureau à attendre une déflagration nucléaire qui n’arrivera pas (aurais-je un instant saboté le saboteur).
Il n’y a pas de victoire dans la lutte quotidienne contre le saboteur –chaque nuit, Saint Antoine chassait à nouveau les visions qui l’assaillaient – un perpétuel recommencement avec avancées et défaites.
Terribles jours de défaites, ce sont alors la mémoire, la capacité de discernement, l’attention qui, par leur trahison, amplifient la déroute. Le sabotage devient sabordage. Jours heureusement rares ; ordinairement, le siège mené avec de nouvelles armes que je lui confectionne (mais oui, c’est toi qui me les donnes) mais, que je contiens simplement en avançant, en le doublant, en me dépassant (tu crois vraiment ?).
Ne suis-je pas le seul à pouvoir vaincre ce terrible arsenal que je lui fourbis sous le masque du saboteur.
Savoir cela, est-ce assez ? Qui vaincra, lui ou moi, lui en moi ? Il instille ce doute empoisonné, visant à lui donner la solidité d’une certitude ; crois-tu vraiment pouvoir te surmonter (peu de chances); crois-tu en être capable (moi, je ne le pense pas, réponds !); pourquoi écrire ce texte (tu sais bien que tu n’as rien à dire); abrège (c’est laborieux), cesse (ce serait tellement plus rapide); tu perds ton temps (sans importance) et plus grave, celui de tes éventuels futurs lecteurs (rassure toi, il n’y en aura pas !!). Je m’entends, je l’entends, je nous entends. Vais-je écouter ?
J’appuis sur la touche « envoi » du mail et m’en vais me baigner. »