Nous avons compris que la connaissance de nous-même permettait de tirer le meilleur parti de nos caractéristiques et de nos atouts, de mieux diriger nos vies et d’en gérer les moments critiques avec efficacité et sérénité[1].
Il existe bien des chemins pour parvenir à cette connaissance de soi, comme le coaching, la thérapie sous de nombreuses formes, mais aussi simplement l’observation. L’aide d’un tiers est souvent indispensable, mais notre curiosité peut déjà faire une grande partie du travail (la partie la plus difficile, qui requiert un guide, est celle que nous n’avons pas envie de découvrir, souvent à tort. Mais c’est une autre histoire).
L’art, un chemin vers la connaissance de soi
Je voudrais ici vous accompagner sur l’un de mes chemins préférés, pour vous faire découvrir comme il peut vous apprendre à mieux vous connaître : il s’agit de la façon dont vous percevez une œuvre d’art. Pour illustrer cela, je vais vous parler de moi et vous comprenez que je ne prends ici mon cas que dans ce but, et non comme un modèle que je vous recommanderais de suivre (il n’y a d’ailleurs pas de modèle en la matière):
J’ai la réputation auprès de mes enfants d’être une « fan de musées », autant dire une intello un peu rasoir. De mon côté, je me trouve assez ignorante en histoire de l’art et tout autant en art contemporain, et je n’adhère pas du tout à l’image qu’ils ont de moi. Et c’est en en discutant avec mon fils que j’ai compris qu’ils pensaient que, dans les musées, j’étais à la recherche de connaissances, d’explications, en un mot de savoir.
Or rien n’est plus étranger à ma démarche. Je vais au musée de façon choisie, délibérée, ne voir que des choses que j’aime ou que je pense pouvoir aimer, à la recherche de sensations.
Certains peintres, j’irai leur rendre visite en tous lieux dès que l’occasion se présentera, et je les retrouverai à Paris et en province, en Europe ou sur d’autres continents, et certains tableaux me suivent ainsi depuis mon enfance, et j’ai la joie de les retrouver comme on retrouve des amis perdus de vue. Un certain tableau vert de Kupka croise régulièrement ma route et me fait bondir de joie, de même que la vie en rose de Dufy ou ces délicieux intérieurs de Vuillard. Le plaisir très particulier, doux, joyeux et paisible, de la familiarité – comme en musique d’ailleurs – est très sous-estimé[2].
Mais il y a aussi celui d’être surpris. De Van Gogh je connaissais quelques toiles inévitables, glanées au gré de visites de musées ici et ailleurs, mais cette exposition à Orsay m’a jetée dans un bonheur et une joie auxquels j’aspire toujours sans tout à fait les espérer.
Merveille totale que ces couleurs, cette touche, cette lumière. Tout le long de l’exposition, j’ai eu du mal à me détacher d’un tableau pour passer au suivant et le sourire ne m’a pas quittée.
Ce que je ressens dans ces situations est avant tout physique : une chaleur forte dans le sternum, un peu comme lorsque l’on tombe amoureux, une énergie irradiant du centre vers les extrémités, une sensation d’appétit – au sens propre, d’envie de manger – appétit pour l’œuvre qui est là, comme une envie de la faire entrer en moi pour qu’elle n’en sorte plus (c’est évidemment impossible, je ne pourrai que retourner la voir encore et encore tant qu’elle sera accrochée là). C’est mon corps qui réagit, ma tête est étourdie, mes pensées suspendues.
Mais pourquoi donc nous raconte-t-elle tout cela ? vous demandez-vous peut-être. C’est parce que je voudrais vous faire sentir – encore une fois, simplement à titre d’exemple – que ma relation à l’art et à bien d’autres choses est éminemment sensorielle. Et que c’est une mauvaise interprétation que de penser que c’est une démarche intellectuelle. C’est au contraire quelque chose de beaucoup plus animal, direct, simple et ancré dans le présent, que ne le sont la documentation, la comparaison, la remise dans le contexte etc…
Toute une gamme de motivations
Vous voyez ainsi, qu’une même chose, relativement banale, comme aller voir une exposition, relève pour chaque individu d’une motivation différente. D’abord dans sa nature : Est-elle primaire, est-ce qu’il le fait parce qu’il aime ça, sans objectif, sans recherche de résultat, ou plutôt secondaire, par devoir, parce qu’il faut profiter les belles expositions, ou qu’il faut se cultiver ou qu’il faut pouvoir en parler dans les diners en ville?
Puis dans sa texture: cette motivation est-elle sensorielle, intellectuelle, émotionnelle, affective, esthétique, … , met-elle en mouvement, au contraire rend-elle immobile..?
En répondant à ces questions pour vous-même, vous pourrez apprendre à mieux vous connaître. Et à mieux connaître les autres, si vous les interrogez.
Ensuite vous pourrez chercher à mettre dans votre vie plus de ce que vous avez découvert par cette introspection. Si je reprends mon cas, je sais que la sensorialité est une des clés de mon bien-être et que, faute d’accrocher un Van Gogh dans mon salon, je peux écouter Rossini, cuisiner ce que j’aime, parfumer mes vêtements et mon environnement et favoriser les occasions de contact physique avec ceux que j’aime.
Bien sûr, ce que vous apprendrez sur vous à cette occasion ne vous définit pas entièrement. Nous sommes tous l’addition de plusieurs aspirations, motivations, « parties ».
Et la quête ultime est d’accorder à chacune tout l’espace nécessaire pour qu’elle vive satisfaite et en harmonie avec les autres. Au fait oui, je suis un peu une « intello ». Et je nourris cela aussi. Mais pas devant un tableau de Van Gogh!
[1] Il s’agit d’un cheminement vers cet objectif, s’en rapprocher chaque jour est déjà un succès.
[2] Avoir quelques toiles amies, auxquelles vous pouvez rendre visite facilement, peut être un recours fantastique quand les ressources émotionnelles viennent à manquer.