Pour découvrir le concept du saboteur, je vous suggère de lire d’abord mon article introductif :
http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/05/29/quand-la-peur-devient-notre-alliee/
Je vous rappelle que cette galerie de portraits de saboteur est une contribution courageuse des lecteurs. (Voir http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/07/05/le-saboteur-de-lete-lancement/)
Un nouveau beau portrait de saboteur! Merci à son auteur et bonne lecture à tous:
« Mon Saboteur a une voix doucereuse. Et un rire de gorge. Et de grandes dents. « C’est pour mieux te croquer, mon enfant. »
Sorte de Jiminy Cricket au sourire aigre, Cassandre toujours assurée de ses prophéties, à jamais perché sur mon épaule, il prédit ou commente mes échecs annoncés et mes tentatives avortées. Mes grandes résolutions jamais tenues. Mes attentes irréalistes et mes projets fumeux, me confirme-t-il.
Il sait ce qui est « bon pour moi ».
Depuis quand squatte-t-il mon épaule ? Depuis toujours. En tout cas depuis que je suis en âge de le comprendre. Ma date de naissance est son millésime, son label de qualité : « Saboteur depuis 1976 » pourrait-il faire graver sur son plastron. Son arme la plus redoutable est la culpabilisation, qu’il manie mieux qu’un sabre laser.
Mon Saboteur, ou Sab’ comme j’aime à l’appeler (puisque nous sommes de vieilles connaissances), est exigeant. « Paresseuse », « dilettante », « imposteur », sont les noms d’oiseaux dont il m’affuble. Il méprise les futilités qui me mobilisent, m’invitant à plus d’élévation intellectuelle, de rigueur morale et autres grandiloquences qui ne souffrent pas la médiocrité dans laquelle je me complairais sans lui. Du moins c’est ce qu’il affirme. Il me persuade que grâce à lui, j’ai l’air un peu mieux que moi-même.
Et dans le creux de mon oreille il me susurre son mantra: « tant que tu ne touches à rien, il est encore possible que ce soit bien. » Tant que je n’ai pas commencé (à préparer ma présentation pour une réunion, à faire du sport, à écrire le portrait de mon Saboteur…), la possibilité d’un résultat satisfaisant existe. Mais si je me lance (sur un malentendu…), mon Saboteur de ricaner tel un croupier de casino : « rien ne va plus, les jeux sont faits. » Rien ne va plus…
A mes « j’y arriverai » répondent ses « pour qui te prends-tu ? » ou « tu ne tromperas personne. »
Parfois je le musèle d’un lacet de chaussure, je le ligote au creux d’un tapis, je l’étouffe au fond d’un tiroir. Ainsi martyrisé, il sait bien pourtant que je ne suis pas dupe. Il reviendra. « Ta lucidité », s’auto-proclame-t-il, « ta clairvoyance ». Ma vérité sans fard. Il sait que je ne peux pas me passer de lui. « Trop ceci », « pas assez cela », il égrène mes défauts et mes insuffisances comme une grappe de raisin. Ou comme le directeur de casting de la Vache qui Rit. Autant de bonnes raisons de ne pas avancer.
Ses pires ennemis sont mes amis ou ma famille, qui souvent le renversent d’une chiquenaude. Etonnamment efficace. Ca le calme pendant un moment.
Parfois c’est moi qui suis fatiguée de l’entendre. Il continue sa litanie mais c’est fini, je ne l’écoute plus. Au lieu de « impossible », je décide de me dire « pourquoi pas ». Et c’est incroyable le pouvoir que peuvent exercer ces deux petits mots sur un Saboteur… »