Quelle étrange situation, où tout le monde s’accorde en silence sur la nécessité de réformer les rythmes scolaires mais où chacun en rejette violemment la mise en oeuvre, sans même feindre d’en contester le bien-fondé !
Sombre constat
Voyons : 15% des enfants ne savent ni lire ni compter à l’issue de l’école primaire. Loin de moi l’idée que seuls les rythmes scolaires sont responsables, mais ce chiffre doit nous interpeller.
Nous savons que nos enfants ont des journées trop chargées en apprentissages; que la répétition étant la clé de l’assimilation des connaissances, il faut beaucoup de temps pour s’assurer que ces apprentissages sont effectifs ; que deux semaines de vacances toutes les 6 semaines cassent le rythme et ne sont justifiées que par la longueur des journées ;
on peut ajouter que l’obésité infantile commence à s’installer dans notre pays et que le sport en est un des remèdes les plus simples et les plus efficaces, et que d’autre part les activités artistiques sont bénéfiques tant du point de vue culturel que psychologique et social ;
nous savons aussi que les instituteurs se sentent, pour un faisceau de raisons que je n’analyserai pas ici, dévalorisés et parfois méprisés ; que les parents craignent que leurs enfants ne soient plus « gardés » par l’école aussi longtemps qu’auparavant et que l’enjeu de la demi-journée supplémentaire vient se heurter aux problématiques des parents divorcés (et personnellement je continue à me demander pourquoi on voudrait faire travailler nos enfants le samedi alors que, pour la plupart, nous parents ne travaillons pas, ce qui nous offre un des rares moments d’échange et de partage serein avec nos enfants) ;
il semblerait aussi que les industries de loisir s’inquiètent de vacances raccourcies, que les infrastructures sportives et culturelles soient insuffisantes pour accueillir les enfants si l’on augmente les activités péri-scolaires, que nous manquions de personnel qualifié pour organiser et diriger ces activités ;
et n’oublions pas que tout projet de grande envergure concernant l’école demande des moyens financiers que ni les collectivités locales ni l’Etat de semblent avoir.
Un sujet désespérant
J’ai donc la vision d’un gros écheveau de difficultés et de mauvaises volontés, d’enjeux personnels et corporatistes de part et d’autre, dont devrait sortir lettré et rayonnant le futur collégien, le futur citoyen. Plus on tire sur un bout du problème plus l’écheveau s’emmêle, et le sujet est franchement désespérant. Alors d’abord bravo à ceux qui s’en saisissent et tentent de sauver l’école, donc nos enfants, et avec nos enfants l’idée que l’on se fait de notre société.
Nous prônons les vertus de l’éducation pour le développement des pays émergents et comme arme contre l’obscurantisme, mais nous ne savons plus éduquer nos enfants.
Rêvons d’abord
Alors me vient l’idée qu’il faut prendre le problème autrement, changer de perspective. Nous avons peut-être oublié d’écouter ceux qui en ont le plus à en dire : les instituteurs. A-t-on fait appel à leur créativité, leur a-t-on permis de rêver leur métier ? J’aimerais entendre les enseignants décrire une journée d’école idéale, parler avec enthousiasme de leur mission, j’aimerais voir dans leurs yeux la flamme qu’allume la joie du travail bien fait. Si plutôt que de leur parler horaires, contraintes, règles à respecter, salaires plafonnés etc… on les laissait s’exprimer, avec la seule condition que leur parole soit constructive et qu’individuellement ils s’engagent chacun à une action concrète permettant de faire avancer l’éducation? Peut-être alors, proches d’atteindre un objectif et pour l’atteindre, les instituteurs accepteraient-ils de modifier leurs conditions de travail (et pas nécessairement de la façon qu’on imagine aujourd’hui), et motivés à nouveau par leur mission, auraient-ils la force de conviction pour rallier parents, élus locaux et autres parties prenantes.
Cela peut sembler naïf, mais pour avoir envie d’atteindre un but il faut d’abord l’avoir rêvé, c’est un outil très puissant en coaching.
Et le rêve est contagieux, offrons-le aussi à nos enfants.
Alors à tous les instituteurs qui croient à la force du rêve, venez commencer à rêver ici, et ne vous arrêtez plus!