Samedi, journée spéciale Frank Sinatra sur France Musique. Me voilà toute entière absorbée par cette voix et ce rythme qui me transforment en énergie vibrante. Que je voudrais partager avec vous.
Quand j’écoute de la musique, rien d’autre n’est possible. Prendre une douche se révèle compliqué, parler difficile, écrire impossible. Seul le mouvement a du sens.
C’est que je ne peux écouter de la musique qu’en mouvement. Toutes les musiques se dansent, bien sûr certaines se chantent. Pour moi c’est dans ce sens là. Mettez de la musique et permettez moi de l’écouter, et vous me verrez me lever aux premières notes.
Bien qu’automatiques, comme créés par une force que je ne guiderais pas, ces mouvements mettent pourtant en route bien des choses : les muscles se contractent non seulement pour mettre mon corps en position verticale, mais aussi pour continuer le mouvement dans un glissé ou une arabesque. Mes bras s’ouvrent, prêts à accueillir le monde, ma peau vibre, ma vision se fait plus large, mesure l’espace, repère les limites et les dangers. Mon cœur bat un peu plus vite, prêt à l’effort, se souvenant des grands jetés de sa jeunesse ou réclamant un rock endiablé.
Quant aux neurones, les voilà concentrés sur la coordination du corps et de la musique, des bras et des jambes, peut-être du corps avec un autre corps. Impossible alors de penser à autre chose.
Si ce n’est peut-être chanter? Idéalement à tue-tête. A tue-tête. Parce que cela empêche toute autre sorte de d’activité cérébrale. Chanter ramasse l’énergie dans la gorge, dans la poitrine, expulse les miasmes intérieurs, charrie les cailloux et la boue de la tristesse, de la colère, de l’ennui, et que vient alors cette vague de joie pure. Ce bain de plaisir. Cet éblouissement intérieur qui fait jaillir un feu vital. Tiens, d’autres neurones, d’autres hormones. De ceux qui nous droguent, qui anesthésient la douleur, qui donnent envie d’aimer.
Comment ne pas être joyeux?
Mais pour cela, il faut faire de la place, toute la place, à la musique. Ne pas en faire le fond du décor. Ne pas l’ajouter à une pile déjà haute d’autres bruits : Bruits intérieurs des pensées qui s’entrechoquent dans un brouhaha continu ; soudaine déflagration d’une émotion qui effrayera et réduira au silence, quelques secondes ou quelques heures, les autres habitants de l’esprit ; bruits extérieurs des conversations, que j’y participe ou pas ; sollicitation expresse d’un autre.
Comment écouter, parler, quand chaque mesure me donne envie de me fondre en elle, d’être elle, quand je voudrais me faire violon ou batterie, quand mes mains ne pensent qu’à devenir celles du pianiste ou du guitariste, quand un vertige me gagne comme si la musique, être invisible mais puissant, venait me faire basculer dans un autre monde ? Par pitié, ne me parlez pas quand j’écoute Mozart !
Mais aussi, insulte suprême à la musique, le bruit tonitruant de la lecture. Peu de choses ont pour moi plus de valeur que les livres. Mais lire prend toute la place. Lire demande de comprendre, et parfois de réfléchir à ce que l’on a compris. Ou bien de ressentir, de vivre, immobile, la vie d’un autre. La musique est alors comme une petite chapardeuse, vole quelques secondes d’attention ça et là, tente de se faire discrète – elle qui devrait mener le monde -, reprend ses droits brièvement, entre en querelle avec le texte, dégaine soudain une arme, parfois gagne et le livre se ferme.
Il reste le bruit du tumulte, qui gâche celui de la mélodie. Il faut du temps, que l’on n’a pas toujours, pour que la musique reprenne toute la place.
Et parfois c’est elle qui capitule. Qui est rejetée de la conscience. Qui disparaît presque, devient un simple parasite de l’attention, une petite gêne familière. Jamais la musique ne devrait être traitée comme ça.
Alors pour mettre de la joie et de l’énergie dans votre week-end, lâchez tout le reste, lancez la musique, et dansez !
Pourquoi pas sur That old black magic.