Mieux que la confiance

Une réflexion est née en moi récemment sur la notion de confiance, et de la trahison de cette confiance. Blessante, parfois définitivement. Cette trahison peut sonner la fin de l’amour, mais aussi plus prosaïquement d’une relation professionnelle ou d’une relation de voisinage.

On peut aussi sentir trahie la confiance qu’on avait dans le monde, dans le genre humain (ou animal, pourquoi pas ? un maître attaqué par son chien, un cavalier piétiné…), et perdre tout repère. Les occasions sont nombreuses : la défiance pour la classe politique est devenue une rengaine, l’insécurité fait douter de la probité et de la bonté humaine, la violence morale et physique des cours de récréation bat en brèche notre représentation de l’enfance innocente, l’immoralité de grands industriels pharmaceutiques nous plonge dans des abîmes d’angoisse, la liste pourrait continuer indéfiniment.

Nous avions mis notre confiance là : en votant pour un candidat, en ne hérissant pas notre jardin de grillages, en confiant nos fils à l’école, en prenant chaque jour ce remède.

Mais le Président n’a pas tenu ses promesses, les cambrioleurs n’ont cure de notre sens moral, les surveillants d’école surveillent peu, les laboratoires pharmaceutiques nous ont rendu malade.

Le désespoir peut nous gagner. Ce sont les fondements de notre être qui sont ébranlés. Les piliers de notre vie qui s’écroulent. L’impact est très profond, presque métaphysique. Car nous avons besoin de croire. De croire dans les bonnes intentions d’autrui.

Justement. Avoir confiance, c’est mettre sa foi en quelqu’un ou en quelque chose. Cela relève de la croyance irrationnelle, de la foi religieuse. Or il semble que Dieu, quel que soit le livre qui le chante, soit le seul à être infaillible. Les athées peuvent quant à eux penser que l’homme a inventé Dieu pour représenter une perfection qui n’existe pas. Il semble en tout cas possible de s’accorder sur l’idée que la foi religieuse va de paire avec la conviction d’infaillibilité de Dieu.

Et cette infaillibilité n’est pas de notre monde. Notre confiance ne peut donc qu’être trahie.

Alors si nous appliquions notre foi aux choses divines et y renoncions dans le siècle ? Il nous resterait, pour traverser notre vie avec enthousiasme et en y laissant une empreinte bénéfique, la bienveillance, la tolérance, l’amour et la conviction (qui n’est pas une croyance) que l’on peut chacun faire un peu de bien ici et maintenant.

Voyons : si votre enfant trahit votre confiance, allez-vous cesser de l’aimer ? Ou plutôt tenter de comprendre ce qui l’a mené à cet acte répréhensible, vous remettre en cause vous-même, et peut-être même sentir votre cœur s’ouvrir plus encore à lui lorsque vous aurez, au cours de vos réflexions et de votre dialogue, décelé une souffrance qui vous était restée cachée ? Votre amour encore plus grand ne vous empêchera pas de le sanctionner, de manière à lui faire comprendre que vous ne transigez pas sur le respect de certaines valeurs, auxquelles vous croyez profondément. Mais vous n’aurez pas perdu la conviction de l’importance de votre rôle de parent (vous voyez comme par ailleurs votre éducation et votre amour lui ont permis de développer sa personnalité et ses talents harmonieusement). Vous vous savez imparfait, vous le savez imparfait, et cela ne vous empêche ni de persévérer dans votre mission ni d’aimer votre enfant.

C’est en effet bien dans la relation parentale (et, oserais-je le dire, en particulier maternelle) que la bienveillance s’épanouit le plus spontanément. Et le résultat est plutôt satisfaisant …

Alors comment appliquer cette bienveillance au monde ?

D’abord en le décidant. C’est une question d’entraînement, et comme pour bien des choses, on n’a souvent pas envie « d’y aller ». Il est plus facile de se laisser aller à la rancœur, à la vindicte, à la colère. Tentant de décider de ne jamais pardonner, de se venger froidement. Plus facile à première vue.

Mais en l’écrivant je sens un étau se resserrer sur moi, je sens mes muscles se contracter, ma mâchoire se durcir, la migraine s’insinuer sous mon crâne, les spasmes me tordre l’estomac.

Quand je vous parlais de bienveillance, j’avais du soleil dans les yeux malgré la grisaille extérieure, j’étais tranquille, relâchée, ouverte au bon.

Je vous propose d’en faire l’expérience. Prenez dans votre vie un cas récent, encore vivant, d’un moment où vous avez senti votre confiance trahie. Ecoutez la rage qui monte, sentez-la, localisez-la dans votre corps.

Puis regardez cette situation avec bienveillance. Pour vous d’abord (non, vous n’êtes pas un idiot qui s’est fait rouler dans la farine, oui il y a des gens qui vous aiment, non vous n’avez pas mérité cette humiliation publique), puis pour l’autre ou les autres.

Vous sentirez très facilement quel bénéfice immédiat vous tirez de cette attitude. La seule vraie difficulté est de le vouloir.

Quant aux répercussions à long terme, elles méritent un article entier. Soyez patients, et en attendant, pratiquez, vous découvrirez bien des choses, qu’il serait merveilleux de partager ici !

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