Me voilà de retour ! Après quelques vacances, comme chacun d’entre vous je l’espère. Je n’ai quitté mon sud chéri, le bleu de son ciel et le vert de ses pins qu’à grand regret. Et pourtant, assise à nouveau à mon bureau, mettant la dernière touche à un livre qui me tient à coeur, reprenant contact avec mes clients, dont l’envie de progresser ne peut être qu’un merveilleux dopant pour moi, je sens mon Grand Moi reprendre la place qu’il méritait et que l’été lui avait un peu marchandée. Car il me semble que l’action favorise l’épanouissement du Grand Moi (*) .
S’il est un domaine cependant, en ce qui me concerne, où il a eu son mot à dire cet été, c’est dans la persévérance que j’ai mise à nager, chaque jour, sans exception. Le plaisir infini, redécouvert, du mouvement, le bras qui va chercher si loin l’eau à repousser, les jambes qui s’étendent et propulsent, l’eau qui enrobe le corps et le porte, ce plaisir-là donc, mais aussi celui de se dépasser, de prolonger chaque jour l’effort, de retrouver une endurance perdue et de s’offrir une heure à soi, que rien ni personne n’est autorisé à interrompre, et qui est le terreau d’une nouvelle énergie et de quelques idées. Dont celle que je voudrais partager avec vous aujourd’hui et qui m’est venue alors que je me remémorais les compétitions de natation de ma jeunesse: l’idée que le sport et la vie ont trop de choses en commun pour ne pas en tirer quelques leçons.
Il est acquis me semble-t-il qu’aucun sportif, aussi doué soit-il, aussi performant physiquement que la nature ait bien voulu qu’il soit, ne peut devenir un grand que par la force d’un entraînement assidu. Car on ne parle pas seulement de puissance, mais aussi d’endurance, de technicité, de connaissance de soi, de maîtrise. Et tout cela s’apprend. Voyons comment :
Les entraîneurs sportifs ont à leur disposition un merveilleux instrument d’apprentissage : les compétitions. Ils y enrôlent souvent même ceux qui débutent, car c’est une excellente manière de mesurer leur capacité à cet instant-là, et leur latitude de progrès.
Les derniers d’une compétition m’émeuvent toujours beaucoup : ce sont ceux pour qui elle a été la plus dure et pourtant ils y ont participé sans aucun espoir de vaincre, pour la seule vertu de l’apprentissage, et l’expérience leur laisse chaque fois un merveilleux goût de réalisation. Quelle leçon !
Pourriez-vous imaginer la vie comme un sport ? Imaginer que chaque épreuve est là pour vous faire progresser et apprendre, que vous en sortez chaque fois un peu plus fort, un peu plus rapide, un peu plus averti ? Qu’ainsi vous vous donnez les moyens d’accéder au savoir-faire, à l’adresse, au brio qui mènent à l’excellence ? Et que vous aurez toujours sur le bord du terrain quelques personnes qui vous aiment fort et qui vous encourageront quoiqu’il arrive, et qui vous diront à la fin, que vous soyez médaillé d’or ou dernier, que vous êtes le plus fort et qu’elles vous admirent plus que tout ? Et qui auront raison, parce que s’il est admirable de gagner, il est presque aussi admirable de participer avec conviction ! De même dans la vie.
C’est d’ailleurs un des rôles du coach que de vous faire voir votre brillance, de vous faire reconnaître les exploits que vous avez accomplis et que votre saboteur vous empêche de célébrer, et de vous inciter à vous jeter dans la jeu sans crainte de l’issue.
Le défi (bienveillant) du coach, qui remplace ici la compétition sportive, s’avère en effet un outil très efficace :
Mettre la barre très haut (métaphore sportive vous remarquerez), c’est toujours pour un coach rendre service à son client. Et le risque est nul. Dans le pire des cas la barre tombe, il la baisse un petit peu, à un niveau sur lequel il s’accorde avec son client, et celui-ci ré-essaie.
Mais bien souvent, la confiance que le coach met dans son client, par le seul fait de lui proposer ce défi, lui donne des ailes, et il saute la barre sans même la frôler. Il arrive même que le coach regrette de ne pas l’avoir mise plus haut !
Si au contraire la barre tombe, la confiance du coach en son client, elle, ne tombe pas. Il s’agit alors d’observer ce qui s’est passé, de voir si l’élan a manqué, si la technique de saut n’est pas au point ou si l’entraînement est insuffisant, et de reprendre l’effort à la lumière de ces informations.
Mais voyez comme elles auraient été difficiles à obtenir en l’absence de défi, d’épreuve. Et voyez comme l’échec est riche d’enseignements. Lorsque la barre est passée, il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui a permis l’exploit. Lorsqu’elle tombe, elle permet une correction précieuse qui garantit presque le succès futur. Tentez d’appliquer ceci au dernier événement que vous avez eu envie de qualifier d’échec. Imaginez le comme une course, une épreuve de saut en hauteur ou un combat de boxe. Etiez-vous vraiment assez entraîné ? Vous étiez-vous inscrit dans la bonne catégorie ? Quelque soit son talent et sa technicité, un poids léger ne pourra pas lutter contre un poids lourd, et pourtant il mérite tout autant le titre de champion. Que pouvez-vous faire pour avoir des chances de gagner l’épreuve la prochaine fois ? Ou gagner l’épreuve n’est-il pas pour l’instant un but inatteignable ? Y participer permettrait peut-être déjà de progresser grandement.
Après avoir analyser votre « échec » sous cet angle, vous apparaît-il toujours comme un échec ? Ou plutôt comme un entraînement riche d’enseignements ?
Voyez comme non content d’en savoir plus sur lui-même et sa façon de faire, le sportif se réjouit de chaque centimètre gagné. En faites-vous autant dans votre vie ? Vous réjouissez-vous de vos progrès quotidiens, de l’amélioration de vos compétences, des quelques mots appris dans une nouvelle langue, d’un nouveau client qui a montré son intérêt, d’un fraisier mieux réussi que la fois précédente, de quelques notes de plus déchiffrées sur la partition, de ces dossiers traités qui attendaient de l’être depuis si longtemps ?
Je suis sûre que votre joie est infiniment plus faible que celle d’un sportif battant son propre record. Et pourtant, quel sport plus sérieux que la vie ?
illustration: Louise Charneau
(*)https://www.paulinecharneau.com/2013/09/20/quand-le-saboteur-sen-va/