L’été arrive, nous sommes nombreux à avoir devant nous quelques jours ou semaines de vacance, que certains d’entre nous passerons en partie à ne pas faire grand-chose, bavarder en famille ou entre amis, lézarder au soleil et lire des romans légers ou de la presse plus légère encore. Si vous craignez un peu votre propre sévérité ou celle des autres, interrogez –vous avec moi sur la futilité :
Mais qu’est-ce qu’être futile ?
D’après le Larousse, une existence futile ne « porte que sur des choses sans intérêt » et un être futile « attache de l’importance à des choses qui n’en n’ont pas ». Jugement de valeur car ce qui a de l’importance ou de l’intérêt pour l’un n’en n’aura pas pour l’autre. Mais peu importe, la futilité est rarement un éloge : la femme futile se doit d’être écervelée et l’homme futile semble rare à première vue (mais j’en ai trouvé, voir plus bas !), bien que je ne sois pas persuadée que jouer à des jeux vidéos guerriers soit profondément moins futile que lire un magazine « féminin » …
La futilité est-elle utile ?
Parce que je ne me refuse presque aucune futilité et que je souffre si l’on m’en prive, je me suis interrogée sur sa fonction. Dimanche encore, campée dans la cour de l’école pour une de ces fêtes de fin d’années qui nous font osciller entre l’ennui et l’attendrissement, accompagnée de quelques mères dans le même état d’esprit, j’ai évoqué avec elles les recettes ratées ou réussies de nos dîners du week-ends, les soldes que nous n’avons pas eu le temps d’écumer et d’autres pures futilités du même acabit. Pendant ce temps, je suis sûre qu’aucune de nous n’a pensé à sa réunion du lendemain, ses factures à payer, ses tensions familiales ou ses problèmes de santé. Nous étions là, présentes, dans l’instant, pleinement vivantes et sans angoisse. C’est à dire dans un état qu’il est indispensable de cultiver pour être en mesure d’affronter précisément tout ce qui fait qu’il ne dure jamais longtemps. La futilité permet une sorte de concentration sur l’instant présent qui offre un repos indispensable à l’esprit. Chacun d’entre nous est complexe, multiple, et l’on ne peut pas être à chaque instant dans le combat et l’anticipation si l’on veut conserver notre santé morale et physique.
Hommes futiles
Au-delà des traditionnelles fêtes d’école, c’est l’actualité sportive qui m’a interpellée sur les mérites de la futilité : je me suis honteusement gaussée à la vue de « nos » joueurs de foot, mais aussi de tous les autres, arborant des coiffures inouïes qui de toute évidence demandent un entretien quotidien, pour la plupart « décorés » de tatouages envahissants et arborant, avec l’aplomb nécessaire pour combattre le ridicule, des chaussures de couleurs variées, pas toujours la même aux deux pieds. Je me suis interrogée sur ces dieux du stade si inquiets de leur apparence, et je les ai imaginés, grands enfants devant un bol de bonbons, choisissant chacun, dans le brouhaha et les rires, la paire de chaussures qu’il porterait. Lequel le premier a eu l’idée d’en mettre une rose et une bleue ? (au passage j’aime que les codes soient ainsi cassés, volontairement ou pas, par ces montagnes de muscles en crampons roses) . Imaginé aussi leur passage chez le coiffeur, les papillotes en aluminium pour notre buteur du jour et le rasage artistique pour nombre d’entre eux. Honnêtement oui, j’ai ricané. Et puis j’ai compris que l’incroyable pression qui repose sur ces presque enfants (on peut aussi trouver le foot futile, mais au vu l’importance qu’il prend dans l ‘économie du pays hôte, et pas seulement, il me semble aussi peu futile qu’un airbus), la force de caractère, la trempe qu’il leur faut pour mener à bien ces matchs, qu’ils les gagnent ou les perdent d’ailleurs, j’ai compris que cela devait, à un moment, trouver un exutoire, un moyen de s’en extraire, de se concentrer sur autre chose, et sans doute est-ce la fonction de cette coquetterie des stades. La futilité, qui consiste à ne s’occuper de rien d’important, me semble donc une nécessité vitale, et ne devient sotte que lorsqu’elle perd sa fonction d’antidote et devient une raison d’être. Et si l’on s’accorde à dire que mère de famille est le métier le plus difficile du monde, on en vient à comprendre pourquoi, apparemment (mais est-ce bien sûr ?), la futilité se rencontre plus fréquemment du côté féminin…
P.S. j’ai écrit cet article au lendemain d’une victoire des bleus. Et ce matin je me réveille avec un feu follet de joie et de fierté: la Belgique, mon petit pays dont je suis si fière, les a rejoints en 1/4 de finale. Une futilité donc, mais quelle leçon de force, de talent et d’élégance (avez vous vu l’accolade entre les deux coaches avant le match?). Merci messieurs!