On a tous une place, une position, un rôle en ligne de mire. Mais Noël me fournit une occasion de vous proposer d’y réfléchir, et de voir si c’est bien derrière celle-là que vous devez courir.
Chaque année, au moment de l’installation du sapin de Noël à la maison, il me faut déplacer les meubles dans le salon. Il y a quelques jours, ce faisant dans mon nouvel appartement, j’ai réalisé ce que cet acte anodin avait souvent eu de révélateur. Déplaçant un fauteuil, je découvre une nouvelle perspective sur mon petit salon et je comprends, une fois de plus, comment « se décaler » par rapport à un sujet peut permettre de le voir sous un autre jour, et comme cette sensation de nouveauté ouvre un champ de possibles très réjouissant. Par le simple déplacement d’un meuble, il est possible de saisir que, sans rien retrancher ni ajouter, juste en modifiant l’agencement, un monde de potentialités insoupçonnées s’ouvre à nous. C’est au demeurant définition de la création : nous n’inventons jamais rien, les atomes chimiques sont là depuis la création du monde je crois, mais nous les combinons différemment, ou parfois nous combinons des éléments que personnes n’avait combiné avant, et ce sont ces actes-là qui donnent naissance au nouveau.C’est la première leçon de vie, fondamentale, que nous donnent nos encombrants sapins, et que j’avais envie de partager – une fois de plus – avec vous.
Mais chemin faisant dans ma réflexion, je me suis souvenue de tous ces sapins logés en des lieux différents de mes maisons successives, et une petite anecdote a ressurgi, qui ressemble à une parabole :
Il y a quelques années, pour installer l’arbre en question dans le coin que je lui avais mentalement assigné, il m’a fallu déplacer un grand pot, très lourd, qui abritait une orchidée qui n’avait plus fleuri depuis des années. C’était l’occasion, me semblait-il, de m’en débarrasser enfin. Mais le pot était si massif que je m’étais contentée de le faire glisser sur quelques mètres en direction de la porte de l’appartement, espérant que quelqu’un un jour prendrait la peine de le descendre – et d’en faire quoi d’ailleurs ? le jeter aurait été dommage -. Bref, ce pot n’avait sa place nulle part, mais resta là où je l’avais glissé par simplicité quelques jours avant Noel. A sa place fut installé un sapin triomphant, brillant de mille feux, qui fit l’admiration des enfants et des visiteurs pendant quelques semaines, puis connut le sort de tous les sapins de noël : il disparut (celui-là en l’occurrence retrouva sa place à la cave, il était synthétique). Et quelle ne fut pas ma surprise, quelques semaines plus tard, de voir mon orchidée abandonnée se parer de boutons prometteurs et bientôt de fleurs magnifiques. Et depuis, cette plante à laquelle je n’ai pu m’empêcher d’imaginer une âme – qui s’est attachée à mon âme – a refleuri avec ardeur année après année, et m’a chaque fois réjoui le cœur sans doute au-delà du raisonnable.
Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi ce tout petit phénomène me touchait tant : Le cruel chassé-croisé du sapin triomphant, héros du jour, et de l’orchidée moribonde et promise à l’oubli n’a pas débouché sur ce que l’on croyait : libérée sans doute d’un coin de la maison qui ne lui convenait pas, où elle ne pouvait pas s’épanouir, où les regards ne se portaient plus sur elle, négligée mais encore en vie, l’orchidée a retrouvé, à sa nouvelle place, mieux éclairée, plus vaste, plus centrale, la force d’exister à nouveau, et de façon plus magistrale encore qu’auparavant, quand le sapin, passé son éphémère moment de gloire, a retrouvé l’ombre, la solitude et l’humidité de la cave. Et pour rendre l’histoire encore plus frappante, l’année suivante et jusqu’à cette année-ci, il y est resté et a été remplacé par une autre arbre tout aussi synthétique mais plus grand, mis ailleurs dans le salon, pendant que l’orchidée continuait de prospérer magnifiquement.
Ce qui confère la force d’une parabole à ma petite histoire, c’est que nous avons tous été, à différents moments de notre vie, le sapin ou l’orchidée. Et que même celle-ci finira par décliner, aussi magique qu’elle m’ait semblé toutes ces années. Que lorsque nous chassons de sa place quelqu’un qui semble terne ou dépassé, il serait bon de se demander, sans le juger, s’il n’a pas tout simplement été mis au mauvais endroit et s’il ne pourrait pas s’épanouir ailleurs. Et quand c’est notre tour d’être éjecté par – semble-t-il- plus brillant que nous, quand un collègue obtient la promotion qui nous était promise, quand un concurrent nous rafle le contrat de l’année sous le nez, de manière générale quand quelqu’un d’autre est mis sous les projecteurs à notre place de façon imméritée, se garder de l’envier, et quand monte l’inévitable sentiment d’injustice, se dire que cette personne est peut-être un sapin de Noël, et nous une orchidée. Que ce « déplacement » est peut-être ce qu’il nous fallait pour refleurir durablement et trouver enfin notre place.
Alors à tous, en cette semaine annonciatrice de Noël, je vous souhaite le sort de l’orchidée magique, et, que vous soyez aujourd’hui sapin ou orchidée, de la patience et de la bienveillance pour l’autre.
Et avec l’aide d’un coach, partez à la recherche de votre « bonne » place.
Bonne semaine!