J’ai découvert récemment dans le dernier ouvrage d’Amin Maalouf (1) la notion de ‘blind spot’ dans le sens d’un « aspect de la réalité (…) tout simplement inconcevable, invisible pour les hommes ». L’auteur (par le truchement de l’un de ses personnages) donne pour exemple la Déclaration des droits de l’homme au lendemain de la révolution : Les femmes ne semblent « pas incluses dans cette affirmation d’égalité devant la loi, mais on ne peut pas en conclure qu’on avait décidé sciemment de les écarter. Cet aspect de la réalité (…) était tout simplement inconcevable, ‘invisible’ pour les hommes de ce temps-là ».
Cette notion m’a beaucoup interpellée, ca elle formalise ce que j’ai ressenti en réfléchissant aux problématiques du mariage homosexuel et de l’inévitable question des enfants qui en sont issus (voir sur ce blog l’article Enfants pour tous, quelle perspective?).
Une question de temps ?
Il m’a semblé alors que du point temporel où nous nous trouvions et d’où il nous était donné de réfléchir à ce sujet, il nous manquait une partie des éléments pourtant « réels ». D’où la nécessité de tenter de changer de perspective.
J’ai eu un sentiment similaire en regardant le « Lincoln » de Steven Spielberg : Il semble qu’au XVIIIème siècle, de nombreuses personnes pourtant bien intentionnées n’aient pu envisager une égalité de traitement entre noirs et blancs (pas plus qu’entre hommes et femmes d’ailleurs).
Chaque époque a ses « blind spots », et comme le rappelle Amin Maalouf, la nôtre a bien sûr les siens. Et seuls quelques « visionnaires » (remarquez les mots : on parle de vision, et de points « aveugles »), de ce fait même « inaudibles pour leurs contemporains », sont capables de les appréhender.
Ce que dit Amin Maalouf, c’est qu’à tout moment, au point où nous en sommes de l’histoire de l’humanité, il nous manque des éléments pour comprendre le présent, et que nous ne pourrons le comprendre qu’une fois qu’il aura eu lieu.
Ou d’imagination ?
Mais ne pouvons-nous pas remplacer (partiellement) la connaissance par l’imagination, et rendre l’humanité la plus clairvoyante possible ?
C’est sans doute le don dont usent les visionnaires, et c’est un des objectifs du coaching : élargir le champ des possibles en entretenant l’imagination, en autorisant à penser différemment, en levant les barrières de l’époque.
Si on ne peut pas voyager dans le futur, voyageons dans nos têtes et tentons de voir l’invisible.
(1) Amin Maalouf – Les désorientés – Grasset 2012