Rien ne dure

L’une de vous m’interrogeait récemment sur l’impermanence, concept bouddhiste récupéré par les écoles de management.

« Est-ce vrai que rien n’est « permanent » ? Que rien ne dure pour toute la vie ? L’amour que j’ai pour mes fils, pour leur père, je sais qu’il va durer toute la vie ! »
Mais non ma belle, cet amour-là ne va pas durer. Celui du premier jour a disparu déjà.

Voyons. Pour celles et ceux qui ont des enfants, souvenez-vous du choc de leur arrivée. De ce feu d’amour en vous qui s’est mis à brûler, pour certain d’abord à petit feu, trop incertains qu’ils étaient, sans doute , de leur capacité à être parents. Pour d’autre, immense feu de joie, presque trop chaud, il semblait qu’ils auraient pu s’y brûler. Pour moi ce fût ça, j’eus peur de m’y consumer. Mais ensuite cet amour (celui-là ou n’importe quel amour) s’est transformé. Le feu s’est peu à peu métamorphosé en fruit. Petit fruit très sucré, très coloré, qui avec le temps a grossi, a plusieurs fois changé de couleur et de forme, est devenu un arbre. Ses racines sont en nous, ses branches peuvent nous dépasser de très loin, il nous offre son ombre, désormais il nous rafraîchit, nous abrite des tempêtes, est devenu notre refuge ultime.

Nous avons tou.te.s un de ces arbres en nous. Parfois il n’existe plus que dans notre souvenir, la personne qui l’incarnait n’est plus là. Mais l’arbre planté continue d’évoluer, de grandir en nous. Parfois nous avons la chance d’avoir plusieurs de ces arbres. Et la présence physique des êtres aimés n’est pas nécessaire pour que nous en sentions l’ombre bienfaisante. En ces temps d’absences, je vous propose, plusieurs fois dans la journée, d’aller vous allonger au pied de votre arbre, de vous abandonner à être tout simplement là, ici et maintenant, et de pratiquer la simple gratitude d’être en vie au pied de cet arbre chéri.

Mais je m’éloigne de l’impermanence, revenons-y. Donc rien ne dure. Nous ne serons plus les mêmes après cette retraite. Et ce typhon viral nous rappelle, si besoin était, que la vie change, et que ce que nous prenions pour acquis ne l’est pas. Réjouissons-nous ! Voilà l’occasion d’améliorer nos mondes. D’en retirer ce qui les défiguraient, de faire fleurir les graines trop longtemps restées dans le sol. 

« Après le froid vient toujours le printemps ». C’était ma phrase préférée dans Bambi[1].

Après le coronavirus viendra un printemps.

Je vous laisse (j’ai promis des articles courts) avec cette vision de conte pour enfant : une forêt sombre et nue qui en l’espace de quelques minutes se transforme en royaume enchanté, dans lequel les fleurs s’ouvrent, l’herbe pousse, les petits d’oiseaux, de lapins, de biches, de moufettes (vous vous souvenez de la moufette ?) naissent et se lancent dans des cabrioles joyeuses, le tout au son d’une musique sautillante et cristalline.

Exercice du jour, à faire sans modération quand vous en avez envie :

Cette visualisation peut être la base d’une relaxation, nous en aurons tous besoin. Allongez-vous les yeux fermés (pourquoi pas au pied de l’arbre de tout à l’heure) et créez votre propre printemps, dans le lieu de votre choix, et portez votre attention sur chaque détail, chaque brin d’herbe, chaque fleur, chaque petit animal. Ajoutez-y des sons : chants d’oiseaux, eau vive, pas d’animaux dans les sous-bois…, des sensations : douceur de l’air, brise, fraicheur de l’eau qui court sur la peau, rayons du soleil sur le visage, parfums de fleurs et des feuilles. Le goût aussi : les fruits que vous goûtez, les baies, certaines fleurs. Sentez tout cela. Tout. Prenez votre temps. Vous êtes dans un lieu magique, en sécurité. C’est bien.


[1] Voilà une jolie chose à faire pendant ce calme imposé : revoir de beaux dessins animés. Oui, même nous les « grands ». Certains ont une magie qui emporte tout. Bambi est pour moi le chef-d’œuvre ultime dans cette catégorie, mais je suis sûre que vous en avez chacun un qui vous attend au creux de vos souvenirs.

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