Vous savez que les coaches aiment à aider leurs clients à ouvrir de nouvelles perspectives (voir Changez de perspective). Je me réjouis toujours quand je vois cela advenir quelque part dans le monde, en tout petit ou en très grand, chaque pas dans cette direction étant un pas de géant. Voilà pourquoi je voudrais aujourd’hui vous proposer de vous réjouir avec moi. Dans notre pays si enclin à la mélancolie (que mes lecteurs qui me font l’honneur et le bonheur de me lire du Chili, du Brésil, du Liban ou de Birmanie me pardonne l’apparence de franco-centrisme de cet article, vous allez vite sentir ce qu’il peut avoir d’universel), dans notre pays donc, voilà qu’aujourd’hui j’ai vu ou entendu des gens penser « en dehors de la boite », et pour le meilleur.
Je commencerai par deux exemples saisis au fil de l’actualité : d’abord ces deux maires qui décident de fusionner leurs communes après s’être rendu compte qu’ils menaient des projets similaires à quelques centaines de mètres les uns des autres, et qui acceptent de prendre le risque de perdre leur mandat aux prochaines élections, puisqu’il n’y aura plus qu’un seul « patron » alors, ces deux hommes (ou femmes je ne sais pas) font non seulement preuve de courage, mais aussi, surtout, de créativité, à un moment où la situation économique impose des restrictions budgétaires à chaque niveau du pays. Peut-être pensez-vous que fusionner deux communes n’a rien de très novateur ? La créativité repose ici dans la capacité de ces deux personnes, et des conseils municipaux qui les entourent, à penser autrement, à sortir du schéma budgétaire d’allocation des ressources pour élargir la perspective, remettre en cause des besoins qui semblaient sans doute acquis, des frontières anciennes, des façons d’envisager les choses tellement ancrées que cette action en apparence simple est pourtant unique, ou à tout le moins suffisamment exceptionnelle pour faire les titres de la presse nationale. Loin de moi l’idée d’indiquer aux maires de France la marche à suivre, mais je suis heureuse de voir que certains, plutôt que de se poser en victimes d’une situation économique malheureusement aussi difficile à modifier que défavorable, trouvent au contraire des solutions généreuses et différentes.
Le hasard (ou le congrès des maires de France qui s’ouvre aujourd’hui je crois) met à l’honneur une deuxième « histoire de maire » : celle de la municipalité de Grenoble, qui prévoit d’ôter les panneaux d’affichage publicitaire pour les remplacer par des arbres (ou de la publicité locale). Il y a certainement matière à débat. La démarche est-elle totalement dépourvue d’intentions cachées ou de biais politique, sans doute pas. Mais enfin elle a le mérite de proposer un autre modèle, de nous obliger à voir ce que nous assimilions inconsciemment depuis si longtemps, de susciter un nouveau regard sur la ville, de réhabiliter l’humain et le proche.
Rien ne dit que ces deux expériences ne seront pas finalement remises en cause. Mais en chemin, elles auront certainement donné le jour à de nombreux apprentissages, qui à leur tour permettront de nouvelles idées, une créativité réelle, des certitudes aussi, auxquelles d’autres communes plus frileuses n’accèderont jamais. Car l’échec a de nombreuses vertus, la première étant de montrer le chemin de la réussite.
Une troisième source de joie m’a été offerte, et vous allez comprendre le lien bientôt, par Sonia Delaunay. Grande dame de l’art, à laquelle le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris consacre une belle exposition. L’œuvre de cette femme irradie d’une énergie hors du commun. D’abord par sa multiplicité : peinture bien sûr, mais aussi costumes et décors de théâtre, tissus, vêtements, reliures de livres et meubles, tout ce qui lui permettait de faire éclater les couleurs, les formes et le mouvement pour retransmettre ses sensations était mis à profit. Je crois avoir compris la source de cette exceptionnelle richesse à la lecture de ce que rapporte René Crevel[1] d’une de ses visites aux Delaunay : parlant des œuvres et des projets que lui montre Sonia : ils « ne ressemblent en rien à ce que vous avez trouvé chez les couturiers, aux expositions ; en vérité, ce sont des choses neuves (…) vous voyez des choses neuves et vous les aimez comme des fruits inopinés dont la douceur, la substance, la forme ne peuvent que tenter le goût et la curiosité ». Il restitue merveilleusement bien cette sensation qui vous prend devant l’œuvre de Sonia Delaunay (même près d’un siècle plus tard), semblable à la curiosité d’un tout petit enfant devant quelque aliment nouveau, qu’il va porter à sa bouche sans préjugé (comment pré-juger de quelque chose de si neuf ?).
Incroyable ! Voilà que René Crevel continue: « je veux encore la remercier d’avoir supprimé le préjugé hiérarchique ». J’ai donc comme lui, et sans préméditation, cette même sensation que c’est bien cette absence de préjugé qui fait le vrai créateur, absence en lui et absence de peur de celui de l’autre. Crevel toujours « elle n’a pas commis l’erreur de chercher l’approbation de quelques esthètes ».
Hé bien je parierais bien que nos maires non plus n’ont pas cherché l’approbation des cénacles, et on su se débarrasser de leurs préjugés. Ils ont à leur manière, moins éclatante mais tout aussi profonde, créé véritablement.
Essayez donc de regarder le monde sans jugement, ni sur vous ni sur la chose ou la personne regardée, comme si cette chose ou cette personne était absolument neuve, inédite, et voyez le foisonnement d’idées inhabituelles qui en découle. Vous amorcerez ainsi un processus créatif qu’il ne tient plus qu’à vous d’entretenir, de canaliser peut-être, de faire fructifier pour le meilleur certainement. Allez-y, commencez avec ce que vous avez en tête là, tout de suite, et ne vous arrêtez plus. Si vous voulez partager ce à quoi cette expérience a donné naissance, n’oubliez pas que Passion coaching vous est ouvert. Bonne création !
[1] Ecrivain et poète, dadaïste puis surréaliste
Illustration: Sonia Delaunay – Le Bal Bullier – 1913