La multiplication des points de vue, ou le changement de perspective, est un exercice classique en coaching (voir Changez de perspective).
Il s’agit, sur un sujet donné, d’accepter l’idée que notre perception n’est pas TOUTE la réalité (peut-être même pas du tout la réalité), puis de rechercher quels pourraient être les éléments qui nous échappent, même s’ils peuvent paraître peu vraisemblables ou qu’ils heurtent nos valeurs. Il faut pour cela explorer les contrées de la pensée et des sensations que nous laissons habituellement dans l’ombre et dans le silence, combattre nos préjugés, et en particulier ceux auxquels nous tenons le plus, tenter de porter un regard a-moral ( et non i-mmoral) sur le monde, remettre en question nos modes de fonctionnement, souvent élevés au rang de valeurs, écouter ceux qui nous heurtent, mais aussi ce qui en nous n’est pas tout à fait en harmonie avec ce que nous avons appris à considérer comme « bien ».
Vous sentez comme le travail peut être ardu. Presque impossible à réaliser seul dans un premier temps.
Mais parfois la vie nous offre un coup de projecteur inattendu sans que nous ne l’ayons cherché. Et cette perspective nouvelle est évidemment un cadeau, quoi qu’il en coûte.
Permettez moi d’illustrer cela par une péripétie de ma propre vie, responsable (en partie) de mon silence récent : Je me suis fracturé l’épaule et me voilà le bras en écharpe, poids inerte et parfois douloureux, et surtout me privant d’un nombre inouï de gestes quotidiens et disons-le, d’une certaine forme de dignité.
Mais cet accident, somme toute banal, m’a donné accès à une foule de petits mondes inconnus de moi et qui viennent compléter ce puzzle infini qu’est le sens que l’on voudrait donner à sa vie.
Cela a commencé aux urgences d’un hôpital parisien un dimanche après midi. Entre la réunion amicalo-familiale gâchée, l’inquiétude et la douleur, la logique aurait voulu que je sois d’une humeur effroyable et d’une agressivité coupante. Pour un faisceau de raisons qui vont de l’excellente compagnie à un début de sagesse, je suis restée joviale, voire rigolarde, pendant les 6 heures qu’a duré mon passage à l’hôpital. Je vous assure que c’est quelque chose de très nouveau pour moi, relativement dure à la peine mais pas du tout au handicap, fut-il passager.
Cet état d’esprit m’a permis de vivre cette petite épreuve de façon légère, de lui laisser l’importance qu’elle avait réellement, et de m’ouvrir à autre chose qu’à ma personne un peu abimée, de sorte que des échanges ont été possibles, des moments d’émotion avec d’autres patients, des rires, des cigarettes grillées en catimini et des sourires offerts sans réserve.
Pour ces instants seulement, cela valait la peine d’aborder cette épreuve différemment. Mais de plus, bien que le sachant déjà et le partageant chaque jour avec mes clients, je n’oublierai jamais la façon dont le pouvoir du « mode mental » m’a été démontré ce jour-là. En effet, un même événement, vécu dans le stress, dans l’émotion négative, ou dans la curiosité et l’ouverture, creusera trois sillons différents, et l’usage répété d’un même mode créera trois vies différentes.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons le choix de ce mode, et que, dans l’hypothèse où nous nous serions trompé, nous pouvons toujours changer de cap.
Mais l’apprentissage ne s’est pas arrêté là pour moi : Il est intéressant de voir comment la fatigue, la douleur et l’émotion créent une chimie inhabituelle et nous montrent le quotidien dont nous croyons tout savoir, et qui porte en lui quelques graines d’ennui, sous une lumière, dans une texture différentes. La vie devient comme plus épaisse, plus consistante. Quand s’asseoir dans un fauteuil ou traverser un boulevard deviennent une aventure, le fauteuil et le boulevard sont soudain beaucoup plus réels, perdent le côté fantomatique qu’une trop grande familiarité leur avait donné.
Tout devient nouveau, il ne s’agit pas de re-découvrir, mais de découvrir pour la première fois, ce qui nous entoure. Parce que pour la première fois sans doute, nous portons attention à ce qui n’en n’avait pas exigé jusque là. Nos impératifs se sont déplacés, certains besoins ont disparu, certains désirs un peu vains aussi. La lumière devient plus crue, presque chirurgicale, et nous gagnons en précision et en dépouillement. Il ne s’agit pas d’austérité, mais de netteté.
Voilà donc comment un petit accident m’a offert de nouvelles perspectives. C’est le principe du cadeau caché dans l’épreuve. Mais chacun peut choisir d’exercer sa curiosité en étant en pleine possession de ses moyens physiques !
Vous voulez essayer ?